De larges mâts brisés
roulent dans l’écume des flots,
Une brise matinale
couve une coque échouée ;
La tempête fait rage,
ravage le navire coulé :
Une brume épaisse
recouvre cet enivrant îlot.
Des traces de pas
apparaissent sur le sable,
L’océan de ses
puissantes ondes les remplace.
Engloutissant tout
sur son passage inlassable,
Son amertume rampante
y prend place.
Éternel
naufragé ! Enfant de la mer !
Tu vogues par ses
vagues berçantes loin de ta terre…
Personne pour ton
deuil perçant sur ton seuil amer !
Solitaire, tu as mis
les voiles : la vie t’atterre.
Un ciel boréal voile
le soleil endormi
Et râle en soufflant
les dernières étoiles ;
Telle de la craie
défilant sur la toile,
L’aurore en pastel réveille
un nid de fourmi.
Quel est ton
nom ?
Quand les tonneaux
Comme de lourds
boulets de canons
Déboulèrent en allure
sur l’eau,
Comment as-tu tenu
Sans bouger,
demi-nu ?
Te voilà étendu…
Entends-tu la musique
A ton oreille, des
coquillages et leurs secrets ?
Mystère des
profondeurs et des merveilles sacrées !
Celles des coraux,
caravelles et cavernes antiques.
Rêves-tu de ta dérive
ou aux trésors perdus ?
La perte sur l’île,
ton sort comment l’a-t’elle rendu ?
Des mouettes
s’entrecroisent au-dessus des arbres,
Leurs ombres
croissent. Tout se fige comme du marbre.
Le soir est tombé tel
un rideau au théâtre.
Tu gis inanimé comme
un pantin en plâtre…
Éveillé mais envahi,
rongé par tes songes,
L’envie de manger
mais tu loues Dieu et Ses anges.
La vie écrase la mort
faisant taire les mensonges,
Le croassement des
corbeaux erre au chant des mésanges.
Cette île regorge de
fruits sublimes,
Leurs arômes recèlent
un goût subtil.
Un nectar ruisselle
d’une des limes,
Un délice indicible
s’en distille.
Le désir assouvit, le
sommeil t’assoupit.
L’imposant crépuscule
de la nuit s’accroupit.
Le radieux soleil
circule car la lune le suit,
A l’inverse de la
pluie timorée qui le fuit.
Ta pupille se dilate
et ta rétine s’étire,
Ton souffle se ralentie
et tes yeux s’écarquillent
Envoûtés comme par
l’étrange spirale d’une coquille.
Des tisons allumés
dans une forêt t’attirent.
Au loin s’agitent des
ombres reflétées par des torches,
Il s’agit d’hommes, leurs
silhouettes s’élancent.
Des pas et hurlements
percent le silence.
Pars Naufragé ! De
peur que leurs lances ne t’écorchent.
Des cannibales !
Un instinct animal
Respire fort en ces
Hommes
Qui les inspire au
mal,
Et aspire à être
comme
Le diable, L’infâme,
Inaudibles sont leurs
âmes !
La ruée vers
l’horreur est engagée !
La terreur, des
rugissements enragés !
Un orage torrentueux
surgit semant l’impasse :
Certains glissent,
les chemins tortueux les enlacent.
Naufragé, n’aie
crainte ! Tes prières te viennent en aide.
Vois l’horizon !
L’eau résonne l’appel des marins.
Leur phare éclaircit
l’ombre comme le jour les matins.
La Lumière guide !
Cours ! En ta faveur le Ciel plaide.
Sophie OKUNHON